Salut les colombophiles !
En vous écrivant, je me demande ce que vous faites, vous, le mercredi. Peut-être que vous travaillez et que votre mercredi ressemble pas mal à votre jeudi, ou à votre lundi. Peut-être que vous êtes surveillant au collège et que vous ne travaillez que le matin, et que vous lisez ou dormez l’après-midi. Peut-être que c’est jour de réunion, jour de sport, jour de poterie. Je me demande où vous voyagez, le mercredi.
Moi, le mercredi matin, je voyage au poney-club. C’est pas pour moi, c’est pour ma fille. Pour y aller, nous nous levons tôt car le car part à 8h08, d’un arrêt situé dans un endroit moche et pas tout à côté de chez nous. Nous nous couvrons comme si nous partions au ski (il fait froid, au poney-club). Tous les mardis soirs en préparant le sac pour le voyage du lendemain au poney, et parfois même dès le dimanche, je me demande « Mais pourquoi je me suis lancée là-dedans ? ». Mais en fait, c’était obligé, impossible de ne pas inscrire Brune au poney-club (c’était un rêve trop important pour ne pas être réalisé). Alors on y va. L’arrêt de car est inhospitalier. En face, il y a un mur, et un pont, il y a plein de voitures, on est près du centre commercial, les gens partent au boulot. Il y a une boulangerie installée dans une ancienne station service (quand on pense que si ça se trouve, à cet endroit se trouvait un jour une forêt primaire, on a du mal à le croire). Le car arrive, c’est toujours le même chauffeur qui est toujours de mauvaise humeur. Il m’engueule quand je n’ai pas de monnaie, il engueule tous les collégiens qui empruntent sa ligne, pour un oui ou pour un non. Il écoute RMC (en plus). J’ai toujours un peu la flemme de lire un Pomme d’Api (je suis du genre à rêvasser en regardant par la fenêtre) mais finalement je suis toujours contente de retrouver la chaleur de la famille Noé qui m’évite de regarder les terrils nus de toute végétation en cette saison, ou la voie rapide qui nous mène au bourg d’à côté.
Quand on descend du car, j’ai la sensation d’être passée dans une autre dimension. J’imagine les gens qui sont dans un métro parisien, un parc verdoyant, un château de la Loire, des lieux réconfortants. Et moi je suis là (par chance en l’heureuse compagnie de Brune) au bord d’une route dans un bled où rien ne bouge (à part les voitures), comme si j’étais le petit cheval tombé à côté du plateau de jeu.
Avant, je devais marcher trente minutes au bord d’une départementale, avec ma fille sur le dos pour accéder au poney-club (obligée de porter ma fille, qui aime marcher mais à de minuscules jambes, sinon on arrivait trop en retard), et plus que jamais je me demandais « Mais qu’est-ce-que je fous là ? ». Mais depuis quelques semaines, une maman du poney-club m’a proposé de venir sonner chez elle, sur la route, pour que nous profitions du confort de sa voiture sur le reste du trajet. Quel luxe.
Alors je marche dans le passage des grabottes, je longe l’école, je prends le petit chemin, je marche au bord de la route, près du gros immeuble, je traverse le canal puis je tourne dans la rue à gauche. À l’automne, ce monde était peuplé d’escargots, ce qui ravissait Brune. Je marche au milieu des pavillons et j’appuie sur la sonnette de l’un d’eux. C’était un pavillon anonyme et tout à coup, je dois y sonner, ce qui me fiche la trouille, pas parce que je me sens en danger mais parce que je suis du genre stressée par les relations humaines. J’y vais quand même. Ca aurait pu être la maison d’à côté mais c’est celle-là, et au moment où d’autres sont coincés dans des grandes foules, au téléphone avec des clients, dans des TGV, ou en train de boire un café sur une chaise en osier de terrasse, ben moi je suis là, ma fille à moitié endormie sur le dos, dans cet endroit parfaitement immobile et gris d’hiver, à appuyer sur cette sonnette-là précisément. Après, ça s’enchaîne, l’autre maman est bavarde, volubile, riante, pleine d’énergie, elle me fait du bien. Elle nous emmène.
Et au moment où je suis postée près de ce poney qui frissonne de bonheur quand ma fille le brosse, et juste après quand je foule le sol de la carrière potentiellement ensoleillée, à 9h30 du matin, dans la nature, avec ces deux cavalières-animatrices joyeuses et positives, ma fille qui rit en regardant son poney se rouler dans la bouillasse juste après qu’elle ait fini de le brosser, tout prend son sens, à ce moment-là, à chaque fois je me dis « quel pied, je ne voudrais être nulle part ailleurs », pour de vrai (ce qui ne m’empêche pas, parfois dès le dimanche soir suivant, de me demander pourquoi je me suis lancée dans cette galère).
D’ailleurs, le jeudi, je vais presque toujours vachement bien, et je ne sais pas si c’est parce que « c’est fait » (pour cette semaine) ou si c’est parce que c’était trop cool, le poney.
Ce qui m’a tenue en ébullition cette semaine, c’est la perspective de montrer des films à Joachim (mon fils de 11 ans). On en regardait avec lui quand sa sœur était bébé et puis on s’est mis, cette petite grandissant, à sélectionner des films pour les jeunes enfants pour les regarder à quatre. Bon, heureusement, il est très bon public, mais on regrettait de ne pas pouvoir lui montrer des trucs « de grands ». Alors on a décidé de partager nos samedis soirs avec lui et de lui montrer une fois par semaine un film qui pourrait lui plaire. On a commencé samedi dernier en lui montrant Moonrise Kingdom de Wes Anderson, qu’il a adoré et qu’on a adoré revoir. Au moment où il s’apprêtait à aller lire au lit, on lui a dit « mets ta peau de bête Jojo, ce soir on regarde un film ! ». J’ai adoré voir son regard s’éclairer, et passer la soirée tous les trois collés. C’était super agréable de sentir si franchement son bonheur. Et j’ai passé mon dimanche matin à lister tous les films que j’avais envie de lui montrer. Je suis excitée de toutes ces super choses à lui faire découvrir !
N’hésitez pas à nous envoyer à nous aussi en commentaire, une carte postale déprimante ou réjouissante de votre mercredi, monuments touristiques, chatons, pistes de ski enneigées ou plages bleues et glaces à la fraise. J’espère que vous allez bien.
Je termine, ci-dessus, avec une carte postale de Beaufort, où il fait beau et chaud et où on mange du bon fromage et de bonnes glaces, pour que vous restiez sur une image positive et que vous puissiez oublier toutes ces histoires de poney-club et de routes départementales.
À bientôt,
élisabeth
Moonrise Kingdom, mais quelle trop bonne idée ! (on me souffle dans l'oreillette que nous serions plusieurs à aimer connaître ta liste...)
Tu sais quoi, je préfère ta carte postale de départementale qui mène au poney à n'importe quel lagon ourlé de cocotiers. (enfin, faudrait comparer, raconte-nous aussi la prochaine fois que tu croises un cocotier, sait-on jamais !)