Avancer.
Chère Valentine et chers autres, bonjour-bonsoir !
Ton idée d’inscrire la sécu au patrimoine mondial de l’humanité est tout à fait juste. Au départ, j’ai trouvé ça drôle puis plus tellement. En fait c’est très sérieux. Oui, la sécu, c’est un truc de génie et tu as raison de le faire remarquer ! Il fallait être drôlement créatif pour imaginer une telle chose.
Je rêve que nos femmes et hommes politiques soient des artistes. Que pour gouverner, il faille être capable d’imaginer, ou de se tourner vers des gens créatifs et imaginatifs. Est-ce-que ce serait intéressant que les gens désirant faire de la politique doivent d’abord faire une école d’Art ? Mais aussi de la sociologie. Il faudrait un truc du genre L’Outil en Main, mais pour adultes souhaitant faire de la politique. Tu connais L’Outil en Main ? C’est une association qui œuvre dans plusieurs villes (au moins à Angers et à Saint-Étienne!), et qui organise des ateliers animés par des artisans retraités, destinés aux grands enfants et adolescents. Tous les mercredis, tu te rends à l’atelier, et tu retrouves pendant quelques séances une ancienne garagiste qui t’apprend à réparer un moteur, puis les séances suivantes un fleuriste qui te fait faire des bouquets, une pâtissière avec qui tu prépares un opéra… Un de mes neveux était inscrit à l’Outil en Main et adorait y aller, et rapportait des trucs de folie à la maison. Je ne l’avais pas vu à Noël cette année-là mais dommage car il était devenu accro au crochet et avait crocheté des napperons pour toute la famille ! Bref, il nous faudrait un Outil en main spécial futurs politiques.
En moi en ce moment, la naissance de la fin du désir d’enfant. J’adore avoir des enfants. J’adore leur compagnie, leurs personnalités, découvrir leurs goûts et leurs dégoûts (exemple : ma fille aime les chevaux : j’aurais jamais imaginé un truc pareil). J’adore le poids de leurs corps, la douceur de leur peau et la chaleur qu’ils dégagent. J’adore leurs bonnes odeurs de croissant, et leur mauvaise haleine du matin.
J’adore être enceinte, j’aime aussi accoucher (bon, je dis pas que j’adore non plus) et surtout, j’ADORE découvrir leur tronche à la naissance. Joachim et sa tête de Ticky Holgado (qui aurait pu prévoir ce menton à fossette?) et Brune et ses yeux en amande (le contraire des miens). J’adore les premières fois, les premiers sourires, les premiers pas, les premiers mots, l’absolue innocence, l’amour sans limite qu’on donne en tant que parents mais qu’on reçoit aussi en retour. J’adore les bruits de succion, les rots qui sortent enfin, frotter mes lèvres dans le duvet du crâne.
Mais que je n’ai plus DU TOUT envie de donner le sein à la demande, de préparer des purées, de gérer des frustrations, de lire un seul livre en boucle pendant des jours et des jours ! Que je n’ai plus envie de devoir surveiller tout le temps, de porter, d’endormir, de jouer avec des hochets.
J’ai bien des sursauts, je pense à l’enfant que je n’aurais pas, et qui se serait appelé Olga ou Germain. J’imagine son goût potentiel pour le théâtre ou la poterie, mais Jérôme me dit qu’il ou elle voudrait certainement plutôt jouer au foot et qu’on devrait passer nos week-ends au stade et paf, magie ! Je n’ai plus envie de cet enfant de plus !
Et ce qui arrive surtout, c’est tous les possibles que ça ouvre, la perspective de ne plus avoir de bébé. Tout ce qui va pouvoir se produire dans la place que ça laisse : du temps pour créer. Du temps pour voyager en famille et visiter des villes et des campagnes et pique-niquer, pas dans trois ans quand le bébé sera plus grand mais tout de suite ! La possibilité de simplement admirer grandir les deux enfants que j’ai, aller aux ateliers de Noël de la ville et pouvoir bricoler avec eux sans devoir gérer un bébé en même temps. Être coolos peinardos. Reprendre en main ma vie affective pas amoureuse, aller boire des verres de vin blanc moelleux avec mes amis, téléphoner (à toi par exemple!), m’inscrire à un atelier de poterie. Reprendre une formation, me trouver un job alimentaire chouette ? C’est comme si la vie et le Monde se déployaient devant moi.
Voilà. Bientôt Noël, et un de ces jours ce sera à nouveau l’été, la verdure partout, transpirer dans ses habits (avoir la sensation de sortir nue la première fois qu’on met une fringue légère dans la rue), les moustiques, la bière après la balade, la crème solaire, les glaces et les odeurs de foin chaud. Vive la vie !
élisabeth